Letters from Exile: Ch 17 & 18
Archéologie Surtout et Le cirque à puces. Visits to the Musée Carnavalet and a flea circus--mine.
Bilingual edition!
Helloooooo!
It’s Thursday, so here are two more chapters of my little feuilleton, Letters from Exile. For English, scroll down.
Click here to see previous chapters 1 & 2, 3 & 4, 5 & 6, 7 & 8, 9 & 10, 11 & 12, 13 & 14, 15 & 16.
If you’re enjoying this, think about bumping up your subscription .
Lettres d'exil: Extraits des carnets de Fally Dogswell
Un journal intime devenu récit sur la mémoire, la langue, et l’étrangeté elle-même.
17. Archéologie Surtout
Au Musée Carnavalet, il y avait des morceaux de pirogues en bois. Des outils. Des pots de terre cuite des pécheurs Parisii installés sur la rive droite—des débris laissés par les tout premiers parisiens. Je les imagine paisibles, patients, vulnérables, et aussi tantouse que moi face aux très impériaux romains qui ont pris leur place et construit cette belle Lutèce avec ses bains, ses arènes typiques. Les os d'un d’entre eux sont à deux minutes d'ici, rue Monge. Je joue aux boules là-bas avec une amie. Personne ne meurt. Le quatorze juillet ou le treize les pompiers avaient mis-en-place une scène, eu leur bal inondé de monde.
Avec le fleuve et la pluie c'est difficile d'ignorer l'eau ici. Simple d'imaginer des pêcheurs dans leurs pirogues. Nous étions au Jardin des Plantes, hier, quand une tempête nous a laissé trempées. Une vie bien mouillée, c'est une ficelle, au moins, entre moi et les pêcheurs d'autrefois. Tout le monde cherche des connexions. Ou cherche leur destruction. J’imagine mes pauvres cousins Huguenots. Le coussin rêche de bleu-vert sur mon nid.
En face du jardin est la bibliothèque Buffon, que je visite souvent. Ses fenêtres donnent sur les arbres et le carrousel. J'aime bien le regarder. Entendre les enfants crier comme les mouettes qui trouvent refuge ici aussi dans cette ville d'eau.
À côté, dans les fenêtres du Musée National d'Histoire Naturelle, on voit des squelettes qui ressemblent à de grands lézards. Je suppose qu'ils sont des dinosaures. Plusieurs ont, ou avaient, des ailes. Ils sont les arrière-arrière-arrière-arrière (et cetera) grands-parents des enfants volants. Est-ce que c’est le Temps, lui-même qui nous fascine, nous fait peur ? Ou cette connexion ancestrale ?
Sais pas. Je regarde. Je regarde les enfants qui poussent partout dans ce pays, beaucoup plus que dans le reste de l'Europe. Peut-être quand tu joues à deux pas des squelettes. Des memento mori. D'extinction totale. Il devient obligatoire de se reproduire. Particulièrement si tu crois que les êtres vivants doivent bouger tout le temps. Doivent pas rester silencieux dans la pierre ou les os. Nous ne perdons rien sauf l'énergie. Et même ça on peut en discuter.
18. Le cirque à puces
Aux E.U., les gens sont dans les rues. Un autre homme de race noire a été abattu par un flic blanc. Abattu aussi, mais sans manifs, autre homo. Sais pas par qui. Je fais mon geste. Écris un article pour les deux. Essaye de dire quelque chose qui vaut la peine. Sur la haine. Les changements sociaux nécessaires. Je crie, « Justice ». Je crie, « Rage » mais contre quoi ? Ou qui ? Les tueurs ? Les systèmes qui les encouragent ? Les églises ? Les politiciens cyniques à droite et à gauche ? T'as besoin de détourner l'attention ? Il y a toujours le Juif, l'Homo. Un Noir.
Je crie les mots que j'ai crié mille fois. En anglais les mots ne se cachent pas. Ils demandent des places. Viennent en gouttes et en fleuve. Mais sont morts. J'ai perdu ma foi. Les mots ne font vivre personne. Les choses changent, bien sûr, mais les gains sont fragiles. Et Michael Brown. Bryan Higgins. Ils restent morts.
Dans ce cahier, les mots français signifient d'autres choses. Sont pas introuvables, mais ne chantent, ne coulent pas. Sont pas d'eau, mais des cailloux qui arrivent par poignées. Ont des limites. Comme les sonnets avec leurs structures obligatoires derrière les lignes. Ça coûte du temps. T'es forcé d'être plus créative. Mais c'est le but.
De toute façon, il n'est pas réel d'écrire en français. En France. Je peux dire n'importe quoi. Jouer. Oser. Considérer les choses de manière oblique. Ici, suis nulle, cette goudou américaine d'une étrangeté considérable et aucune autorité. Peu importe. Je saute. Je pique comme une petite puce. Et ce cirque c'est tout à fait le mien. Je suis libre. Au moins dans ma tête. Au moins, des fois. Dans la rue je reste un corps femelle. Ciblé. Jamais chez moi.
Dimanche, nous allions au marché de la Bastille par Boulevard Henri IV où nous nous sommes arrêtées pour jeter un coup d'œil au Square Barye. Pas mal. Hormis, dans cette ville de toilettes publiques et gratuites, il y avait un homme derrière les sapins au fond en train de, peut-être, pisser. Une femme toute seule entrait après nous. Marchait à deux pas du mec demi-caché pour regarder la vue. N'a pas vu l'homme qui la surveillait. Ou ne s’est pas rendue compte qu'elle était piégée par les sapins, les balustrades.
Bien sûr nous sommes restées, à observer. L'homme était gêné, pauvre con avec sa bite à la main. Il nous regardait avec haine. Personne n'aime tellement les puces. Sont prêts à les détruire à tout moment. Même si elles prennent si peu de place.
Moi, aussi, elles m'énervent, ces bestioles. Bougeant par ici, par là. Leur pouvoir reste dans cette capacité. À se déplacer librement, dans leur état de vulnérabilité, à gêner. T'obliger à faire des trucs. De s'auto-empoisonner avec les bombes anti-insectes, par exemple. Même attaquées, les puces fuient pas, cachent quelque part, dans l'appartement à côté. Ou dans les petites fissures de ton propre plancher largement indifférentes.
À suivre…
Letters from Exile: Excerpts from the notebooks of Fally Dogswell
A journal transformed into a meditation on memory, language, and foreignness itself.
17. Archeology Above All
At the Carnavalet museum, they had bits of wooden canoes. Utensils. Some fired clay pots from the Parisii fisherman installed on the right bank—debris left by the very first Parisians. I imagine them as peaceful, patient, vulnerable, and as screwed as me faced with the very imperial Romans who took their place and built this beautiful Lutetia with its baths, its characteristic arenas. The bones of one of them is two minutes from here, on rue Monge. I play boules there with a friend. Nobody dies. The 14th of July or the 13th the firemen put up a stage, and held their inundated dance there.
With the river and the rain it’s hard to ignore water here. Simple to imagine fishermen in their canoes. We were at the Jardin des Plantes, yesterday, when a big storm left us soaked. A thoroughly drenched life, that’s one thread, at least, between me and the fisherfolk of times gone by. Everybody tries to make connections. Or tries to destroy them. I imagine my poor Huguenot cousins. The rough, blue-green cushion above my nest.
In front of the garden is the Buffon library that I often visit. Its windows look out on the trees and the carrousel. I really like to look at it. Hear the children screaming like seagulls that find refuge here, too, in this watery city.
To the side, in the windows of the Natural History Museum, you can see skeletons that look like giant lizards. I suppose they belonged to dinosaurs. A few have, or had, wings. They’re the great-great-great-great (et cetera) grandparents of flying children. Is it Time itself that fascinates, that scares us? Or this ancestral connection?
Dunno. I look. I look at the children who sprout everywhere in this country, far more than the rest of Europe. Maybe when you play a stone’s throw from skeletons. From memento mori. Total extinction. Reproducing yourself becomes obligatory. Especially if you believe that human beings should move all the time. Shouldn’t keep silent inside stone inside bones. We lose nothing but energy. And even that’s up for debate.
18. Flea Circus
In the U.S., people are in the streets. Another black man was shot by a white cop. Killed also, but without demos, another fag. I don’t know who did it. I make my token gesture. Write an article for the two. Try to say something that’s worth the trouble. About hate. The necessary social change. I cry, “Justice.” I cry, “Rage.” But against what? Or who? The killers? The system which encourages them? Churches? Cynical politicians on all sides, right and left? You need to distract people? There’s always a Jew, a Homo. A Black.
I cry the words that I’ve cried a thousand times. In English words don’t hide. They demand their space. Come in drips or in floods. But are dead. I’ve lost my faith. Words don’t bring anybody back. Things change, sure, but gains are fragile. And Michael Brown. Bryan Higgins. They stay dead.
In this notebook, French words mean other things. Are not unfindable, but don’t sing, don’t flow. Aren’t water, but pebbles that come by the fistful. Have limits. Are like sonnets with their obligatory structures there behind each line. That takes time. You’re forced to be more creative. But that’s the point.
At any rate, it’s not real to write in French. In France. I can say whatever nonsense I want. Play. Dare. Consider things obliquely. Here, I’m nothing, this American dyke of considerable foreignness but no authority at all. It doesn’t matter. I jump. I bite like a little flea. And this circus is entirely mine. I’m free. At least in my head. At least, sometimes. In the street I’m still a female body. Targeted. Never at home.
Sunday, we went to the Bastille market taking Henri IV boulevard where we stopped to take a look at Barye park. Not bad. Even if, in this city of free public toilets there was a man behind the pines in the back who was in the middle of, maybe, pissing. A woman entered after us all by herself. Took a couple steps towards the guy half-hidden from view. Didn’t see the man who watched her. Or didn’t notice she was trapped between the pines and the railing.
Of course we stayed, to observe. The man was annoyed, poor fuck with his dick in his hand. He glared at us. Nobody really likes fleas. Are ready to destroy them at any moment. Even if they take up so little room.
They bother me, too, these little beasts. Moving here, moving there. Their power in this ability. To run around freely, in their vulnerable state, to bother. Force you to do things. To poison yourself with anti-insect bombs, for example. Even under attack, fleas don’t flee, they hide somewhere, in the apartment next door. Or in the little—and largely indifferent—cracks of your own floor.
To be continued…
Stay tuned for your regular A Dyke A Broad newsletter, and more chapters next Thursday.
À bientôt