Letters from Exile: Ch 19 & 20
Of #gender and #zombies.
Bilingual edition!
Helloooooo!
A day later and a dollar short, here are two more chapters of my little feuilleton, Letters from Exile. For English, scroll down.
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Lettres d'exil: Extraits des carnets de Fally Dogswell
Un journal intime devenu récit sur la mémoire, la langue, et l’étrangeté elle-même.
19. La Guerre des mondes
Moi, j'ai ma propre guerre. Contre le monde des Choses. L'ennemi d'aujourd'hui -- une petite barrette de verre bleu qui a cassé. J'admets que j'essayais de la lancer sur la commode. Mais elle ne voulait pas rester là. Dès le début elle ne m'aimait pas. Peut-être parce que je l'ai trouvée ridicule. Cette chose avec ses fleurs minuscules en caricature. C'était la mère de Marina qui me l'avait offert depuis un voyage en Italie quand j'ai failli la tuer. Je l'ai trouvée affreuse. Vraiment ? Tu veux que je mette ça dans ma tête ?
J'ai dit, « Merci », quand même, et je la jetai dans un tiroir quelque part. Elle détestait le noir. Et l'oubli. M'a trouvé bête, plus rigide qu'elle. Insipide, maussade, même misogyne. Elle m'a moqué, « Vous pensez que vous êtes si nue et si ouverte. Mais ouverte à quoi, justement, ma petite goudou ? » Cela m'a rappelé mon père. Une fois, pour mon anniversaire, il m'avait offert des boucles d'oreilles en or. J’avais des oreilles, mais pas les petits trous. Ni l'envie d'ailleurs de les porter. En plus, j'avais passé des mois à laisser entendre que je voulais une crosse de hockey sur gazon. J'étais la gardienne de notre équipe du lycée. J'en avais besoin. Et quand j'ai ouvert la petite et délicate boite, j'étais choquée par ces deux choses presque extra-terrestres, tellement... si obligatoirement... féminines. Par vengeance, j'ai fait pareil. Pour son anniversaire à lui, je lui offert une boite avec des boucles d'oreilles énormes en plastique rose. Et lui et sa nouvelle femme ont essayé de rire.
Plus tard, je me suis fait percer les oreilles, mais les boucles savaient que j'avais rejeté les autres. Elles se perdaient. Les trous eux-mêmes ne voulaient pas rester ouverts. Ou peut-être mon corps avait décidé qu'il fallait me débarrasser de tout sauf de l'essentiel. Le reste est emprunté. Même mon nom, Kayee Bogswell.
Puis un jour il y a un an, j'ai ouvert le tiroir et suis devenue presque tendre envers la petite barrette ridicule. Et je l'ai mise dans mes cheveux pendant des mois. Elle m'a donné un air plus léger. Comme la chapka de cuir rose que je porte parfois avec mon manteau noir, et mon pantalon de l'armée allemande. C'est un signal des contradictions du genre de genre. Suis pas tout-à-fait masculine ni féminine. Ni vraiment mammifère. Je dirais plutôt minérale. Je me réjouis des différente strates. Des mélanges inattendus. La feuille et les petits os pétrifiés dans la boue. La rivière asséchée. La poussière. Oui, des couches de poussières sublimes et éternelles, qui deviennent des roches. Et les pierres des pyramides. Et des sphinx. Résiste. Résiste.
20. Zombies
Quand même, quand même, elle est vieille, ma mère, ce monde. Hors d’elle maintenant. Ne se souvient de rien. Elle demande aux autres ce qu'elle a fait au juste pour mériter d'être abandonnée. Je ne devais pas l'appeler. Je devrais le faire tout de suite. Quand je l'ai appelée l'autre jour, elle a demandé, « T'es où, toi ? Paris ? Ooo-la-la ». Elle était ravie. A dit, « Je vais raconter à tout le monde que ma fille m'a appelé de Paris ». C'est la moindre des choses -- l'appeler de Paris. Elle est si vieille. Je ne le fais pas. Il y a des cartes postales dans mon cahier. Je les ai achetées pour elle. Je les laisse dedans.
Je vais à la fenêtre, me tiens debout, et regarde. Le soleil brille pour la première fois aujourd'hui. C'est illusoire. La plupart du ciel est de la même couleur que les toits d'ardoise. J'admire les taches noires au-dessus des bâtiments pâles jaunes. Les gens sortent du trou du métro comme des petites abeilles. Ah. C'est habité ce quartier. Je m’en étais doutée.
Et pourtant, je peux presque la voir. Assise, elle pousse ses cheveux rouges en arrière avec une main osseuse. Elle sourit comme une enfant. Est presque coquette avec les aide-infirmières qui l'aident à s'habiller et à manger et se baigner. Il dit, ce sourire, « Aimez-moi. » Mais ensuite, elle ouvre sa bouche et laisse sortir ses poisons. Je me demande si elles rient, ces aides-soignantes certainement noires. Si elles sont gentilles, également souriantes en face de ce petite monstre vieillissante et vulnérable qui va, même cul nu, expliquer qu'elle n'est pas raciste. Il y a de bons noirs. Elle-même avait une amie noire, intelligente et propre. Et pas du tout violente.
Ou peut-être elle va s'attaquer à elle-même, « Je suis bête, stupide, maladroite, sans valeur. Pourquoi Dieu ne m'a pas pris ? Pourquoi ? »
Merde. Même loin, j'ai sa voix dans ma tête. Suis certaine que moi aussi je suis bête et que l'effort de m'exprimer dans n'importe quelle langue, c'est tout à fait idiot. Je suis un déchet. Et probablement, oui, je pue. Je ne me suis pas douchée ce matin. En plus, je suis grasse et laide. Je marche tout le temps, je nage, mais je fais du lard. C'est la saison, au moins. L'automne presque et la récolte. Les feuilles des sycomores sont sur le trottoir. Et si je mange des religieuses. Si j'arrache les têtes, lèche les petits cous. Suçote leurs ventres crémeux. Alors, je grandirai. Serai toute prête pour l'abattoir.
Quand même. Quand même. Je vais couiner, cette cochonne, jusqu'au dernier moment.
Comme sa voix accusatrice m'énerve. Est aussi persistante que l'image du Che au béret avec sa barbe et le poing levé. Pauvre con réduit maintenant à une vie de tee-shirt, la mort vivante, sa haine ressuscitée de temps en temps comme le disco. Oui, les mélodies sont bien attrayantes. Mais attention, John Travolta n'est plus beau. Ni mince. Ni frais. Son sourire charmant est plutôt faux. Faut être méfiante. À moi la boue, la fange. Les sons rauques. Les sales griffes du sphinx-cochon. La puanteur conquérante.
L'autre soir j'ai eu ce rêve. Des zombies. Vraiment. Heureusement, ils ne couraient pas trop vite avec ces jambes pourries. Et par hasard j'ai mis un peu d'huile de patchouli. Et j'ai découvert que c’était un répulsif plus efficace que l'eau de n'importe quelle église. Oui. Je jure. Sur la tête de ma mère. ce Couvre-toi avec truc dégueulasse et t'es sauvée.
À suivre…
Letters from Exile: Excerpts from the notebooks of Fally Dogswell
A journal transformed into a meditation on memory, language, and foreignness itself.
19. The War of the Worlds
Me, I have my own war. Against the world of Things. Today’s enemy—a little blue glass barrette that broke. I admit that I tried to toss it on the dresser. But it didn’t want to stay. Since the beginning it didn’t like me. Maybe because I found it ridiculous. This thing with its tiny cartoon flowers. It was Marina’s mom who gave it to me after a trip to Italy when I managed not to kill her. Really? You want me to put that on my head?
I said, “Thanks,” anyway, and tossed it in a drawer somewhere. It hated the dark. And being forgotten. Found me stupid, more rigid than it. Insipid, dour, even misogynistic. It mocked me, “You think you’re so naked and open. But open to what, exactly, my little dykelette?” This reminds me of my father. Once, for my birthday, he gave me gold earrings. I had ears, but no little holes. Nor the desire, by the way, to wear them. Besides, I’d spent months dropping hints that I wanted a field hockey stick. I was the goalie of my high school team. I needed it. And when I opened this little, delicate box, I was shocked by these two things that were practically extraterrestrial… so terribly, so obligatorily… feminine. To get revenge, I did the same. For his birthday, I gave him enormous pink plastic earrings. And he and his new wife tried to laugh.
I got my ears pierced later, but the earrings knew I’d rejected the others. They lost themselves. The holes themselves didn’t want to stay open. Or maybe my body decided it should get rid of everything but the most essential. The rest is borrowed. Even my name. Kayee Bogswell.
Then one day, about a year ago, I opened the drawer and felt almost tender towards the little ridiculous barrette. And I put it in my hair for months. It made me seem lighter. Like that pink leather bomber hat that I wear sometimes with my black coat, and my German army pants. It’s a sign of the contradictions of the genre of gender. I’m not entirely masculine or feminine. Or even mammal. I’d say mineral’s more likely. I rejoice in the strata. In unexpected mixes. The leaf and the little bones petrified in the mud. The dry river. The dust. Yes, the layers of sublime and eternal dust which become rock. And the stones of the pyramid. And the sphinx. Resist. Resist.
20. Zombies
And yet, and yet. She’s old, my mother. This world. She’s beside herself now. Doesn’t remember anything. She asks everybody just what she did to be abandoned. I shouldn’t call her. I should do it immediately. When I called her the other day she asked, “Where are you? Paris? Ooo-la-la.” She was delighted, said, “I’m going to tell everyone that my daughter called me from Paris.” It’s the least I can do—call from Paris. She’s so old. I don’t do it. There are postcards in my notebook. I bought them for her. I leave them inside.
I go to the window, stand there, look. The sun shines for the first time today. It’s pure deceit. Most of the sky is the same color as the slate roofs. I admire the black stains above the pale yellow buildings. People come out of metro holes like little bees. Ah. This neighborhood is inhabited. I’d started to wonder.
Still, I can practically see her. Sitting, she pushes her red hair back with a bony hand. She smiles like a child. Is practically flirtatious with the nurses’ aides who help her get dressed and eat and bathe. It says, this smile, “Love me.” But then, she opens her mouth and lets the poison out. I wonder if they laugh, these certainly black nursing aides. If they are nice, equally smiling in the face of this little aging and vulnerable monster who, even bare-assed, will explain how she’s not racist. There are good blacks. She herself had a black friend, so intelligent and clean. And not at all violent.
Or maybe she’ll attack herself. “I’m dense, stupid, clumsy, worthless. Why hasn’t God taken me? Why?”
Shit. Even at a distance, I have her voice in my head. Am sure that I too am stupid and that the effort to express myself in any language at all, is totally idiotic. I’m garbage, and probably, yes, I stink. I didn’t take a shower this morning. And besides, I’m fat and ugly. I walk all the time. I swim, but I’m getting fat. It’s the season, anyway. Practically autumn and harvest time. Sycamore leaves are on the sidewalk. And what if I eat some pastry nuns. If I rip their heads off, lick their little necks. Suck their creamy stomachs out. Then I’ll get fat. Be all ready for the slaughter.
And yet, and yet. I’ll squeal, this piggie, until the last second.
How her accusing voice annoys me. Is as persistant as the image of beret-headed Che with his beard and raised fist. Poor fuck reduced these days to a tee-shirt life, a living death, his hate resuscitated from time to time like disco. Yes, the melodies are catchy. But careful, John Travolta’s not handsome anymore. Or thin. Or cool. His charming smile is rather false. Better watch out. It’s all mine, the mud, the slime. The raucous sounds. The dirty claws of the sphinx-hog. The conquering stench.
The other night I had this dream. About zombies. Really. Thankfully, they didn’t run very fast with their rotten legs. And by chance I put on a little patchouli oil. And I discovered that it was a better repellant than water from any church. Yes. I swear it. On my mother’s head. Cover yourself in this disgusting stuff and you’re saved.
To be continued…
Stay tuned for your regular A Dyke A Broad newsletter on Monday, and more chapters next Thursday.
À bientôt