Letters from Exile: Ch 24 & 25
On being a foreigner--half sphinx, half dyke, half spud. And a failed attempt to connect. Nouveaux chapitres de ma vie d'exil de goudou.
Bilingual edition!
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Helloooooo!
Here’s another installment of my little feuilleton, Letters from Exile. For English, scroll down.
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Lettres d'exil: Extraits des carnets de Fally Dogswell
Un journal intime devenu récit sur la mémoire, la langue, et l’étrangeté elle-même.
1 & 2, 3 & 4, 5 & 6, 7 & 8, 9 & 10, 11 & 12, 13 & 14, 15 & 16, 17 & 18, 19 & 20, 21, 22 & 23.
24. Les piédestaux
C'est déjà bizarre d'avoir—de sentir—cette… tendresse envers ces messieurs piédestalisés. Santiago. Silène. Le Christ de Saint Germain de l'Auxerrois. Moi, la goudou monstrueuse qui hurlais comme un loup. Aimais regarder les choses casser, tomber, brûler. Imaginer les bâtiments eux-mêmes au sol. Les mots libérés des livres, des pages. Les lettres libérées des mots. La beauté libérée de l'art. Le son de sens. Et les enfants de leurs familles comme a ordonné Jésus, et Engels pareil.
Mais c'est vrai. J'aime bien les piédestaux. On peut mettre n'importe quoi au-dessus. Pas besoin de détruire quoique ce soit. Le temps fait fondre les choses tout seul. Puis, tu peux noter les niches vides, et un jour ou l'autre t'installer comme un Bernard l'Hermite et t'exposer pour un moment ou dix tel que tu es — mi-sphinx, mi goudou, mi-patate. C’est un acte de bienfaisance—de donner aux autres l'opportunité de répondre aux choses normalement cachées. De jeter vers toi les trucs pourris. De t’embrasser.
D'habitude, je parle dans le vide. J'envoie mes commentaires par mail. Regarde jamais les réponses. Peut-être qu'il n'y en a pas. Je suis la vapeur produite quand les pommes de terre sont en pleine ébullition. Je disperse. Colle. Laisse seulement une trace humide sur le mur.
Cette fois-ci, j'ai mis l'alarme. Elles ne vont pas brûler, les patates. Du moins, j'espère. À moi, elles parlent. Elle disent au début, « Nous sommes dures ». Depuis un moment, « Pas trop ». Puis, « Pas du tout ». « Merde. C'est fini ». Elles étaient couvertes de terre. Bon marché. Vendues par un mec gris qui tressaillit, qui clignait des yeux. Relevait l'épaule à l'oreille de temps en temps. Et à moi, il répondait à chaque demande dans un mauvais anglais. Insistait. Même si je parlais correctement, couramment. J'ai un accent. C'est tout. Donc, voici une étrangère. Dommage. Tant pis. Allo ? Allo ? Je ne concédais pas.
--Des champignons, s'il vous plait.
--Another thing?
Un habitué il crie, « Tu parles portugais aussi ? Ja, ja. Ja, ja ».
Espèce de con. Sont pas tes oignons. Ni tes échalotes, d'ailleurs.
Foutues patates. Je devrais avoir dit quelque chose. C'est pas de leur faute. Pauvres patates dans leur bain innocent et chaud. Moelleuses. Douces. Après une vie dans le noir et le silence, elles cèdent à la fourchette. Je ne suis pas si obligeante. Suis beaucoup plus dure. Comme les roches qui étaient leurs compagnons. Ou pas. Un vrai dur à cuire ne serait pas gêné. Pas du tout. Par ces bêtises. Mais aujourd'hui je suis fragile. Le néant me trouble. Peut-être c'était de ma faute cette rencontre. Peut-être je n'ai pas vraiment parlé français. J'ai ouvert ma bouche et les mots ont fui, se sont cachés quelque part.
--Tu te prends pour qui ? Go back where you came from.
Non, pas tout de suite. Je vois une niche toute vide dans le mur du palais. Il y a un piédestal quelque part.
25. La langue
Brûlez, l'Eau. Soufflez, la Pierre. Cassez, l’Air. Coulez, la Terre. Pourquoi me battre pour le droit de parler? En français, ou même en anglais ? Ajouter ma voix aux essaims, aux gens qui marmonnent, crient, invoquent, babillent. Et depuis ne font rien. Ou trop. Rien n'est plus simple qu'une révolution. La fin du monde, un gilet-piégé, la perte de poids. Avec les mots chimériques on peut tout créer, tout détruire. Même les mensonges sont des pierres pour les gens comme ma mère. On peut dire que le monde est rond et ils peuvent répondre, « Non ». Et ça se termine là. Logique inutile. Les faits, les mots — impuissants. Une abeille a plus de force avec son dard. Son corps qui reste n’est pas neutre non plus. Écoute...
Hier, j'ai essayé de l'appeler. Et les deux fois, j'ai l'entendue dire, « Allo? Allo ? » Et moi, j'ai crié. « Maman ! Maman ! C'est Kelly. C'est Kenny. C'est Kali ». Elle n'entendait rien. Problème téléphonique, symbolique. Vive les métaphores pour le langage lui-même qui blesse, sépare, exclut. Le romarin n'est pas du thym. Et moi, si tu m'appelles humaine, j'ai rien à voir avec les plantes. Échec total.
Comme les mots sont trop légers ou lourds. Ils blessent. Ils soignent. Si, dans le silence, je veux lui dire simplement, « Marina ». C'est trop intime. Ça injure, perturbe. Je n'ose pas l'appeler. Son nom explosera comme une bombe. « Marina ». Je la touche. Mes mains demandent en silence, « Toi, tu m'aimes ? »
Chère ville, cher pays. Comment survivre tes frappes quand je veux seulement entrer dans ta vie ? Me déplacer dans le fleuve sans choc et être tout liquide ?
À suivre…
Letters from Exile: Excerpts from the notebooks of Fally Dogswell
A journal transformed into a meditation on memory, language, and foreignness itself.
1 & 2, 3 & 4, 5 & 6, 7 & 8, 9 & 10, 11 & 12, 13 & 14, 15 & 16, 17 & 18, 19 & 20, 21, 22 & 23.
24. Pedestals
It’s already weird to have—to feel—this… tenderness towards these pedestalized gentlemen. Santiago. Silène. The Christ of Saint Germain de l’Auxerrois. Me, the monstrous dyke who howls like a wolf. Loves to see things break, fall, burn. Imagine the buildings themselves on the ground. Words liberated from books, from pages. Letters liberated from words. Beauty liberated from art. Sound from sense. And children from their families as ordered by Jesus and Engels alike.
But it’s true. I love pedestals. You can put anything on top. Without needing to destroy a thing. Time crumbles things by itself. Then you can keep track of empty alcoves, and one day or other install yourself there like a hermit crab and display yourself for a moment or ten just as you are—half sphinx, half dyke, half spud. It’s a charitable act—giving others the chance to respond to normally hidden things. And throw rotten junk at you. To embrace you.
Usually, I speak into the void. I send my columns by mail. Never look at responses. Maybe there aren’t any. I’m the vapor that’s produced when potatoes are at a full boil. I disperse. Cling. Leave only a humid trail on the wall.
This time, I set a timer. These spuds won’t burn. At least, I hope. They speak to me. In the beginning they said, “We’re hard.” After a moment. “Not too.” Then, “Not at all.” “Shit. It’s all over.” They were covered in soil. Cheap. Sold by a grey guy who jerked, then winked an eye. Lifted a shoulder up to his ear from time to time. And to me, responded to each demand in bad English. Insisted. Even if I was speaking French correctly, fluently. I have an accent. That’s all. So, here’s a foreigner. Too bad. So what. Hello? Hello? I don’t concede.
--Des champignons, s'il vous plait. (Some mushrooms, please.)
--Another thing?
A nearby vendor shouts to the guy, “You speak Portuguese, too? Ha-ahahahaha.”
Fucking asshole. Mind your own business. Your own stall, for that matter.
Fucking spuds. I should have said something. It’s not their fault. Poor taters in their hot and innocent bath. Soft. Sweet. After a life in the dark and silence, they give in to the fork. I’m not that obliging. Am a lot harder. Like the rocks that were their companions. Or not. A real hard case wouldn’t be bothered. Not at all. By this nonsense. But today, I’m fragile. Nothingness troubles me. Maybe this encounter was my fault. Maybe I didn’t really speak French at all. I opened my mouth and the words fled, are hidden somewhere.
“Who do you think you are? Go back where you came from.”
No, not quite yet. I see an empty niche in the palace wall. There’s a pedestal somewhere.
25. Tongue
Burn, water. Blow, stone. Break, air. Flow, earth. Why fight for the right to speak? In French, or even English? Adding my voice to the buzz, to people who murmur, cry, babble, invoke. And afterwards do nothing. Or too much. Nothing’s simpler than a revolution. The end of the world. An exploding vest. Weight loss. With chimeric words one can create anything, destroy anything. Even lies are stones for people like my mother. You can say that the world is round and they can respond, “No.” And that ends that. Logic—useless. Facts, words—powerless. A bee has more weight in her stinger. The body that remains isn’t neutral either. Listen…
Yesterday, I tried to call her. And both times, I heard her say, “Hello? Hello?” And me, I shouted, “Mom! Mom! It’s Kelly. It’s Kenny. It’s Kali.” She didn’t hear anything. A problem of the telephone. The symbolic. Long live metaphors for the language itself which wounds, separates, excludes. Rosemary isn’t thyme. And me, if you call me human, I have nothing to do with plants. A total failure.
How words are too light or too dense. They wound. They heal. If, in the silence, I just wanted to say, “Marina,” it’s too intimate. It hurts, disturbs. I don’t dare call to her. Her name will explode like a bomb. “Marina.” I touch her. My hand silently asks, “Do you love me?”
Beloved city, country. How can I survive your blows when I just want to enter into your life? Move through the river no collisions, be totally liquid?
To be continued…
Stay tuned for your regular A Dyke A Broad newsletter on Monday, and another installment of Letters from Exile next Thursday.
À bientôt…