Letters from Exile: Ch 29 The Art of Losing
On poetry, reinvention, and that time in college. "Une fois, quand j'étais étudiante, je suis allée à une ferme avec des amis..."
Bilingual edition!
(Faire défiler vers le bas pour le français.)
Helloooooo!
Here’s another installment of my little feuilleton, Letters from Exile. For English, scroll down. If you’re enjoying this, think about sharing.
Lettres d'exil: Extraits des carnets de Fally Dogswell
Un journal intime devenu récit sur la mémoire, la langue, et l’étrangeté elle-même.
1 & 2, 3 & 4, 5 & 6, 7 & 8, 9 & 10, 11 & 12, 13 & 14, 15 & 16, 17 & 18, 19 & 20, 21, 22 & 23, 24 & 25, 26, 27 & 28.
29. The Art of Losing
Je dois faire les courses mais je reste chez nous. Il pleut. Oui, il pleut à verse de nouveau de cette façon continue. Et l'humidité et la moisissure s’accrochent partout. Aux murs, aux meubles, mes cheveux, les vêtements. Je n'aurais pas dû faire la lessive hier. Mais trop tard. Ils sont là-bas sur l'étendoir. Les tee-shirts et chaussettes qui nourrissent les champignons.
Fuck.
Suis fatiguée. Déprimée.
Je lis un polar scandinave traduit en français. Il me fait du bien. Personne n'est plus malheureux que Harry Hole, détective norvégien et ivrogne. Même les gens qui reviennent de vacances ensoleillées et se trouvent sous cette pluie parisienne incessante sont plus heureux que lui.
Je cherche un poème par Elizabeth Bishop. C'est pas difficile. Je porte toujours une anthologie de ses poèmes, comme une bible rose. J’y trouve Le poisson. Je le lis. Après des semaines de français, son anglais semble entièrement nouveau avec une musique, une beauté presque choquante. J'halète à chaque mot, chaque phrase si simple et pure. Je suis sauvée. J'imagine que c'est ça, d'être un poète-génie. Qu'ils savent réinventer la langue chaque fois qu'ils approchent la page, redonner leur sens aux mots. Ou peut-être cette magie est plutôt rare. Même la plupart des gens qui méditent jour et nuit n'arrivent pas au nirvana. Les pêcheurs ne trouvent pas toujours de poisson.
Mais Elizabeth Bishop si. Orpheline, goudou, voyageuse, amoureuse des arbres, l'invitée perpétuelle, ivrogne, elle a appris à perdre, même maitriser l’art. « L'apprendre », elle écrivait ailleurs, « n'était pas si dur que ça ». Même si c'était un mensonge. Non, pas un mensonge, une sorte de blague. Elle n'a rien maitrisé sauf la poésie, où elle se révélait en se cachant. Mettait sa peine dans des boites de mots polis. Moi aussi je le fais, pas aussi bien qu'elle, mais j'ai mes petits chapitres carrés. Mes essais. Les cartons qui reposent dans la cave de Valou. Combien de fois suis-je partie? De combien de lieux?
Une fois, quand j'étais étudiante, je suis allée à une ferme avec des amis. Il y avait une partie boisée avec des squelettes de vaches qui choisissent ce coin pour céder à la mort. Les côtes étaient des voûtes d'une église. On ne peut pas aller plus loin que ça. La mort. Au crépuscule, j'ai allumé un feu. J'étais éclaireuse étant enfant. Nous avons peint nos visages. J'ai murmuré une espèce de prière en espagnol, ainsi qu’en latin.
Les arbres étaient si noirs. Sous la lune, on entendait des froissements partout. Les petits animaux. La terre. On a bu sûrement et fumé. Peut-être pris de l'acide. Je ne me souviens plus. Nous étions remplis de nuit, d’obscurité, de paix. Vers minuit, on a décidé de partir en direction des voitures. À la prairie, on a entendu des coups de tonnerre. Senti un tremblement de terre. Vite, à la clôture ! C'était une débandade, un fleuve de bêtes énormes et magnifiques et sans pitié aucune pour la vie.
À suivre…
Letters from Exile: Excerpts from the notebooks of Fally Dogswell
A journal transformed into a meditation on memory, language, and foreignness itself.
1 & 2, 3 & 4, 5 & 6, 7 & 8, 9 & 10, 11 & 12, 13 & 14, 15 & 16, 17 & 18, 19 & 20, 21, 22 & 23, 24 & 25, 26, 27 & 28.
29. The Art of Losing
I should do some shopping, but I stay at home. It’s raining. Yes, it’s pouring again in that continuous way. And the humidity and moisture cling to everything. To the walls, the furniture, my hair, our clothes. I shouldn’t have done laundry yesterday. But too late. It’s there on the drying rack. The tee shirts and socks that are feeding mold.
Fuck.
I’m tired. Depressed.
I read a Scandinavian novel translated into French. It does me good. Nobody’s more unhappy than Harry Hole, Norwegian detective and drunk. Even the people who came back from sunny vacations and found themselves under this incessant Parisian rain are happier than him.
I look for an Elizabeth Bishop poem. It’s not hard. I always carry around a collection of her poems, like a pink bible. I find it there, The Fish. I read it. After weeks of French, her English seems entirely new. With a music, a beauty that are almost shocking. I gasp at each word, each phrase that is so simple and pure. I’m saved. I imagine that that’s what it’s like to be a poet-genius. That they know how to reinvent language each time they approach the page, giving words back their meanings. Or maybe this magic is mostly rare. Even most of the people who meditate day and night never get to Nirvana. Fisherfolk don’t always find their fish.
But Elizabeth Bishop, yes. Orphan, dyke, traveller, lover of trees, the perpetual guest, drunk, she learned to lose, even mastered the art. Learning, she wrote, “isn’t hard to master.” Even if that was a lie. No, not a lie, a kind of joke. She never mastered anything but poetry, where she revealed herself by hiding. Put her pain in boxes of polished words. I do it too. Not as well as her. But I have my little square chapters. My essays. The boxes that linger in Valerie’s cellar. How many times have I left? From how many places?
Once, when I was a student, I went to a farm with some friends. It had a wooded part with the skeletons of cows who chose that place to die. Their ribs were the vaults of a church. You can’t go further than that—death. At dusk, I lit a fire. I was a Girl Scout as a kid. We painted our faces. I murmured a kind of prayer in Spanish, which was just like Latin.
The trees were so dark. We heard rustling everywhere under the moon. Little animals. The earth. We probably drank—and smoked. Maybe took acid. I don’t remember anymore. We were filled with night, the darkness, peace. Near midnight, we decided to head for the cars. In the meadow, we heard the rumble of thunder. Felt the earth quake. “Quick, to the gate!” It was a stampede, a river of enormous and magnificent beasts with no mercy in them for life.
To be continued…
Stay tuned for your regular A Dyke A Broad newsletter on Monday, and another installment of Letters from Exile next Thursday.
À bientôt…