Letters from Exile: Ch 34 Still at my In-Laws
"Ici, en famille, en espagnol, je ne parle pas trop. Comme un bon immigrant, je fais des choses." "Here, among family, in Spanish, I don’t talk much. Like a good immigrant, I do things."
Bilingual edition!
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Helloooooo!
Here’s another installment of my little feuilleton, Letters from Exile based on some notebooks from 2016. For English, scroll down. If you’re enjoying this, think about sharing or subscribing.
Lettres d'exil: Extraits des carnets de Fally Dogswell
Un journal intime (de 2016) devenu récit sur la mémoire, la langue, et l’étrangeté elle-même.
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34. Le Nid, Angers
Ici, en famille, en espagnol, je ne parle pas trop. Comme un bon immigrant, je fais des choses. De la cuisine. L'assemblage de meubles Ikea. Une table de chevet. Des étagères. Je soigne les gens aussi. Quand elle était encore à New York, c'était moi qui m'occupais de la blessure de Faustina quand elle est tombée et a cassé son crâne comme un pauvre œuf dur. Pour Miguel, quand il avait faim, j'ai préparé du picadillo, et du tagine d'agneau et abricots.
C'est assez, ces gestes dans le monde des choses, de chair. Comme je suis un très bon beau-fils, belle-fille, gendre. Je hoche la tête toujours. Me sens confortable. Me sens si bête, si étrangère. Merde, laisse tomber. Je suis bien accueillie. Faustina a même oublié que je ne suis pas de Cuba. Je connais tous les noms, les endroits, les personnages. Les secrets. Comment les mères détestent la liberté de leurs filles. Comment elles se plaignent, les dénoncent. Aux prêtres. Pourquoi pas à la police du régime? Qui les expédient en prison, ou pire. N’y pense plus. Stop.
Ici, à Angers, elle est assez contente. A une chambre à elle. Son fiston. Les gens qui viennent en visite parlent en espagnol ou en anglais. Elle n'était pas allée trop loin. Pas loin de tout. Elle a ses mots à elle. Son histoire est connue. Sauf les fragments honteux. (Laisse tomber. Elle n'est plus l'ennemi. Aie pitié d’elle.)
Sauf que c'est pas vrai qu'elle est connue. Cette figure est devenue la mère de Luis. Une vielle dame générique. Pas du tout Faustina. Sa vie, même de jeune fille, est cachée derrière les rides. Les cheveux blancs. Le sourire vide et vidé. Elle n'est plus là. Elle qui voulait être médecin, était enseignante. Elle voyage tout le temps. D'une minute à l'autre, elle est dans un autre espace- temps. Parallèle. Ou perpendiculaire. Sais pas. On lui parle. Elle se bat pour revenir, rester. Elle pause. S'arrête. Recommence. Est devenue autre chose dans cette ville de toits gris. Des cheminées en briques. Des antennes. Elle regarde le chat d'en face et la cathédrale avec ses deux flèches juste-là, derrière. Puis elle s'endort sur sa chaise. Un peu plus loin est le Maine et ses poissons empoisonnés. La nuit, dans les petites rues étroites, avec des pierres solides, les soiffards et étudiants hurlent. Sans ses appareils, Faustina n'entend rien. Est contente. Dort bien dans son nid.
Non, elle n'est pas contente non plus. Pas ce mot, contente, qui évoque une baguette rassis. Faustina est plutôt fatiguée. Vaincue. Après la mort de Miguel, elle s'est soumise. N'a plus le droit de se gaver de bonbons et de glace. En tout cas, pas tous les jours. Même si sa dernière passion est de manger. Comme moi. Elle s'exprime avec. A un trou énorme.
Quoi faire d'autre ? On crie, on rage, on gratte, et puis ? On mange. On aime. Pourquoi l'oublie-je toujours, ça ? Nous ne sommes pas chez nous. Mais nous sommes ensembles. Dans le même bateau là-bas au Luco. Poussés par les enfants. Loués pour la demi-heure. Et ensemble on poursuit. Fluctuat nec mergitur. Il est battu par les flots, mais ne sombre pas.
À suivre…
Letters from Exile: Excerpts from the notebooks of Fally Dogswell
A journal (from 2016) transformed into a meditation on memory, language, and foreignness itself.
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34. The Nest, Angers
Here, among family, in Spanish, I don’t talk much. Like a good immigrant, I do things. Cook. Assemble Ikea furniture. A bedside table. Shelves. I take care of people, too. When she was still in New York, it was me that took care of Faustina’s wound when she fell and cracked her skull like a poor hard-boiled egg. For Miguel, when he was hungry, I made picadillo, and lamb and apricot tagine.
It’s enough, these gestures in the world of things, of flesh. I’m such a good son-in-law, daughter-in-law. I always nod my head. Feel comfortable. Feel so stupid, so foreign. Shit, let it go. They always welcome me. Faustina even forgot I wasn’t from Cuba. I know all the names, the places, the characters. The secrets. How much mother’s hate their daughters’ freedom. How they complain. Denounce. To preachers. Why not the security forces? That toss them in jail, or worse. Forget about it. Just stop.
Here in Angers, she’s happy enough. Has her own room. Her son. People that come to visit speak Spanish or English. She didn’t go that far. Not far at all. She has her words. People know her story. Except the shameful bits. (Let it go. She’s not the enemy anymore. Have pity on her.)
Except that it’s not true she’s known. This figure has become Luis’ mother. A generic old lady. Not at all Faustina. Her life, even as a young girl, is hidden behind wrinkles. White hair. An empty, emptied smile. She’s not there any more. She who wanted to be a doctor, was a teacher. She travels all the time. From one minute to the next, she’s in another space-time. Parallel. Or perpendicular. Dunno. Someone speaks to her. She fights to return, stay. She pauses, stops. Resumes. Has become something else in this city of grey roofs. Brick chimneys. Antennas. She looks at the cat across the street, and the cathedral with its two spires just there, behind. Then she falls asleep in her chair. A little further away is the Maine river and its befouled fish. At night, in the little narrow streets, with solid stones, students and drunks scream their heads off. Without her hearing aids, Faustina doesn’t hear anything. Is happy. Sleeps well in her nest.
No, she’s not happy either. Nor that word, content, which evokes a stale baguette. It’s more that Faustina is tired. Vanquished. After Miguel’s death she submitted. Doesn’t have the right anymore to stuff herself with candy and ice cream. In any case, not every day. Even if, like me, her last remaining passion is eating. Like me. She expresses herself with it. Is starving.
What else is there to do? Cry, rage, scratch, and then? You eat. Love. Why do I always forget about that? We’re not at home. But we’re together. In the same boat there at the Luxembourg. Pushed by children. Rented by the half-hour. And together we persist. Fluctuat nec mergitur. Rocked by the waves, but still afloat.
To be continued…
Stay tuned for your regular A Dyke A Broad newsletter on Monday, and another installment of Letters from Exile next Thursday.
À bientôt…