Letters from Exile: Ch 35 On Nostalgia
Cinglée, le sanglier de nostalgie | The bonkers boar of nostalgia
Bilingual edition!
(Faire défiler vers le bas pour le français.)
Helloooooo!
Here’s another installment of my little feuilleton, Letters from Exile based on some notebooks from 2016. For English, scroll down. If you’re enjoying this, think about sharing or subscribing.
Lettres d'exil: Extraits des carnets de Fally Dogswell
Un journal intime (de 2016) devenu récit sur la mémoire, la langue, et l’étrangeté elle-même.
1 & 2, 3 & 4, 5 & 6, 7 & 8, 9 & 10, 11 & 12, 13 & 14, 15 & 16, 17 & 18, 19 & 20, 21, 22 & 23, 24 & 25, 26, 27 & 28, 29, 30, 31, 32 & 33, 34.
35. Cinglée, le sanglier de nostalgie
Nous sommes rentrées hier. Le train est arrivé à Paris avec quarante minutes de retard. Un sanglier, une métaphore, était sur une voie quelque part. Mort ou vif, sais pas. Rue Daubenton nous avons trouvé les feuilles de chêne déjà sur le trottoir. L'été a fui. Déjà deux mois dans cet appartement. J'ai rien brulé, cassé ces derniers temps. Je prends moins à cœur le regard des gens. Les bâtiments et pierres sont moins lourds. L'étrangitude se dissout. Je parle si j'en ai besoin. Avec ou sans accent. Peu importe.
Sauf que, ce n'est pas comme autrefois. Je suis moins sensible. Je vois, je sens si peu quand je marche dans les rues. Bon, je sens du pain. De la bouffe, je me rends compte toujours. Je commence à croire que je l'ai imaginé la connexion avec cet endroit, cette ville qui était si forte auparavant que j’en suis presque morte, quand je suis partie. Non, elle n'a jamais existé. Ou n'était pas si puissante que ça. Je me demande si je suis victime de la nostalgie. De déclarer que tout était mieux autrefois. Ou ailleurs. Faut pas nager, se noyer dans les souvenirs, les vieilles photos. Quand même, j’en regarde quelques-unes. À douze ans, le visage lisse. Les yeux remplis de Dieu. J'avais un joli sourire à seize quand j'ai pris des poignées de pilules au hasard.
Ma mère contemplait souvent ses propres clichés. Elle disait, « Comme cette robe était belle ». « Comme j'étais heureuse ». « Je n'aurais pas dû me marier, avoir des enfants ».
Elle était si sûre qu'elle serait restée heureuse. Je ne suis pas si sûre qu'elle l'était. Sa photo préférée était prise dans un moment bref et passager d'une fête. Même si elle l'était, folle de joie, être secrétaire célibataire à cinquante ans, soixante... ? Une femme comme elle, qui se moquait des vieilles filles ? Non, ce serait l’échec total. La robe de soie vert marine coule autour d'elle, la brûle.
Marina et moi, nous mangeons des pâtes. Regardons le foot. 1-1. Laissons le présent s'imposer. Aujourd'hui, au moins. J'écoute les voitures et les élèves. J'entends mon cœur qui bat, bat, bat. Je sens la matière fécale qui fait son petit voyage de 7,5 mètres. Je marche. Je regarde. Je marche de plus en plus vite. Une femme sur le trottoir se moque de moi, et crie « Un, deux, un deux ». Elle a des cheveux gris et gras. Elle pue, « Un, deux. Un, deux ». Et ricane.
Il fait beau. C'est, ce sera toujours ensoleillé. Toujours 13 heures. Non, 13h01. Ah, 13h02. En fait, ce sera chouette d’avoir un visage en deux, qui peut regarder en arrière et en avant. Le passé, le futur. Le super présent. Attends ! Je parle trop. Respire. Détends-toi. Le soleil ! Le soleil ! Le cœur ! Le sang qui coule ! Les yeux ! Les cheveux qui poussent !
Je recule devant le vide, l'oubli, la Mort. Elle revient tôt ou tard. Elle prend tout.
À suivre…
Letters from Exile: Excerpts from the notebooks of Fally Dogswell
A journal (from 2016) transformed into a meditation on memory, language, and foreignness itself.
1 & 2, 3 & 4, 5 & 6, 7 & 8, 9 & 10, 11 & 12, 13 & 14, 15 & 16, 17 & 18, 19 & 20, 21, 22 & 23, 24 & 25, 26, 27 & 28, 29, 30, 31, 32 & 33, 34.
35. Bonkers, the Nostalgic Boar
We came back yesterday. The train got into Paris forty minutes late. A boar, a metaphor, was on the tracks somewhere. Dead or alive, dunno. Rue Daubenton, we found chestnut leaves already on the sidewalk. The summer fled. Two months already in this apartment. I haven’t burnt or broken anything lately. It doesn’t bother me anymore how people look at me. The buildings and the stones are less heavy. The foreignity dissolves. I speak if I need to. With or without an accent. It doesn’t matter.
Except that, it’s still not like it was before. I’m less sensitive. I see, I sense so little when I walk in the streets. Well, I still smell bread. I’m always alert to food. I begin to believe I’d imagined the connection to this place, this city that had been so strong before that I practically died when I left. No, it never existed. Or wasn’t all that strong. I wonder if I’m the victim of nostalgia. Of declaring that everything was better before. Or elsewhere. You shouldn’t swim, drown in memories, old photos. Still, I look at a couple. At 12, my face smooth. Eyes filled with God. I had a nice smile at 16 when I took handfuls of random pills.
My mother often looked at her own snapshots. She said, “Oh, that dress was so beautiful.” “I was so happy.” “I should never have gotten married, had you kids.”
She was so sure she would have stayed happy. I’m not sure she ever was. Her favorite photo was taken at a brief, fleeting moment at a party. Even if she was, full of joy, being an unmarried secretary at fifty, at sixty…? A woman like her, who made fun of old maids? No, that would be total failure. The sea-green silk flows around her, burns.
As for Marina and I, we eat pasta. Watch soccer. 1-1. Let the present impose itself. Today, at least. I listen to the cars and the students. I hear my heart beat, beat, beat. I feel the fecal matter that makes its little trip of 7.5 meters. I walk. I look. I walk faster and faster. Some lady on the sidewalk makes fun of me, and shouts, “One, two, one two!” She has grey, greasy hair. She stinks. “One, two. One, two.” And snickers.
It’s nice out. It is, it always will be, sunny. Always 1 p.m. No, 1:01. 1:02. Actually, it would be nice to have a two-part face that could look behind and ahead. The future, the past. The supra present. Wait! I’m talking too much. Breathe. Relax. The sun! The sun! Heart! Blood which flows! Eyes! Hair which grows!
I recoil in front of the void, forgetfulness. Death. She comes sooner or later. She takes it all.
To be continued…
Stay tuned for your regular A Dyke A Broad newsletter on Monday, and another installment of Letters from Exile next Thursday.
À bientôt…